Unité absolue de Hashshém
Les Dôrda´im accordent une importance particulière à la doctrine juive de l’unité absolue de Hashshém ית׳, qu’ils considèrent avoir été compromise par les formes populaires de la Qabboloh prévalant aujourd’hui. Pour soutenir cette approche, ils font appel aux écrits philosophiques de Ga`ônim et Ri`shônim tels que le Rov Sa´adhyoh Go`ôn, Ribbénou Baḥayé `ibn Paqoudhoh ז״ל, le Rov Yahoudhoh Halléwi ז״ל et Ribbénou. Les points suivants sur l’unité du Tout-Puissant sont d’une importance capitale pour les Dôrda´im et les Ṭalmidhé HoRambo’’m :
- Il est incomparable à quoi que ce soit ayant été créé ;
- Il n’est ni mâle ni femelle, mais en raison des limites du langage humain nous devons employer certains termes allégoriques et métaphoriques afin de transmettre le fait qu’Il existe ;
- Son existence est qualitativement différente de toutes les autres existences, et ces dernières dépendent de Lui et sont préservées par Lui, alors que Lui demeure infiniment et inaltérablement distinct et indépendant de toute création ;
- Il est une unité incomparable à la moindre unité dans la création. Son unité n’en est pas une qui pourrait être divisée ou qui comprendrait des parties, ce qui ne pourrait avoir lieu que dans le cas d’une unité soumise au temps et à l’espace. Son unité n’est pas non plus à comprendre dans le sens d’une espèce ou d’une sorte ;
- aucune qualité de la création ne s’applique à Lui, que ce soit l’espace, le temps, le changement, le concept d’un corps, d’une forme, d’une image, le concept de remplir un corps, une forme, ou un lieu, ni d’autres facettes de la création, car Il est parfait, unique, qu’Il Se suffit à Lui-même et n’a aucun besoin de toutes ces choses. Il n’est pas une force ni une puissance qui possède ou remplit quelque chose d’autre, et il n’y a pas non plus en Lui le moindre aspect de multiplicité, ce qui aurait été le cas si le monde était littéralement en Lui. Toute phrase biblique ou talmudique donnant l’impression d’attribuer la moindre qualité de la création à Hashshém doit être comprise différemment que dans son sens littéral, car Il transcende tous les aspects de la création. Aucun d’eux ne peut s’appliquer à Lui ;
- la Splendeur de la Réalité de Son Être est si grande qu’aucun esprit ne peut saisir même la plus infime partie d’elle, car Il n’a point de parties, ainsi qu’il est écrit : גָּדוֹל יְהוָה וּמְהֻלָּל מְאֹד; וְלִגְדֻלָּתוֹ, אֵין חֵקֶר « Grand est `adhônoy et abondante est la reconnaissance de Sa guidance ; et Sa grandeur n’a point d’investigation ». (Ṭahillim 145:3) Il faut, de ce fait, être conscient constamment que la Vérité Sublime de Son Être transcende absolument tout ce qu’on pourrait exprimer, mais que toute référence à Lui ne doit se faire que pour parler de ce qu’Il n’est pas ou par des métaphores.
Opposition aux formes déviantes de la Qabboloh
Concernant la Qabboloh, les points les plus fondamentaux pour comprendre l’opposition des Dôrda´im vis-à-vis de la compréhension communément acceptée de la Qabboloh portent sur la Singularité transcendante absolue du Créateur et les lois relatives à la ´avôdhoh Zoroh. Les Dôrda´im soutiennent que les formes populaires de la Qabboloh prévalant aujourd’hui sont contraires à l’Unité absolue et incomparable du Créateur, et transgressent diverses lois interdisant l’idolâtrie et le polythéisme, et plus particulièrement l’interdiction du Ribbouy Rashiyôth (le fait d’adorer ou de concevoir dans son esprit une multiplicité de règnes), dont Ribbénou traite dans son Mishnéh Ṭôroh.
Le problème ne concerne pas l’existence de la Qabboloh en tant que telle, mais sa compréhension et définition. Le mot « Qabboloh » est employé dans des sources juives anciennes et par Ribbénou lui-même pour simplement désigner « la tradition » reçue des Prophètes et non un mysticisme de quelque nature que ce soit. En outre, les Dôrda´im acceptent que dans les temps talmudiques il existait une tradition mystique secrète dans le judaïsme, connue sous les noms de Ma´aséh Markovoh et Ma´aséh Varé`shith. Et Ribbénou explique que ces termes désignent respectivement quelque chose de similaire à la physique et à la métaphysique d’Aristote telles qu’interprétées à la lumière de la Ṭôroh. Les Dôrda´im rejettent donc la notion selon laquelle la tradition mystique du judaïsme serait représentée par les idées et idéaux populairement appelés aujourd’hui « Qabboloh ».
Aux sources authentiques de la Mystique et la Qabboloh
Les Dôrda´im et Ṭalmidhé HoRambo’’m ne s’opposent pas non plus au mysticisme en tant que tel. Par exemple, le Rov Yôséph Qa`phiḥ, illustre dirigeant des Dôrda´im en Israël, publia l’ancien texte mystique appelé « Séphar Yaṣiroh » avec sa traduction du commentaire que le Rov Sa´adhyoh Go`ôn avait composé sur ce livre. De même, Ribbénou Baḥayé `ibn Paqoudhoh et Ribbénou `avrohom ban HoRambo’’m sont particulièrement respectés parmi les Dôrda´im et Ṭalmidhé HoRambo’’m, alors qu’ils ont composé de nombreux textes mystiques.
Ainsi, les Dôrda´im ne rejetteront pas la théorie des dix Saphirôth telle qu’elles sont mentionnées dans le Séphar Yaṣiroh. En effet, contrairement à la Qabboloh actuelle, les Saphirôth ne sont absolument pas décrites comme des entités divines ni même des attributs ; elles sont simplement des nombres, considérés comme les paramètres dimensionnels utilisés dans la création du monde.
Par contre, les Dôrda´im considèrent que le problème provient du Séphar Habbahir et du Zôhar, où les Saphirôth ont été hypostasiées comme des attributs divins ou des émanations divines, et où il est enseigné que l’on ne peut pas vraiment s’adresser directement au `én Sôph mais uniquement par l’une ou plusieurs de ces Saphirôth, et dans les Siddourim sépharades actuels chaque fois que le Nom Divin apparaît il est vocalisé différemment sous forme de code afin de montrer quelle Saphiroh il faudrait avoir à l’esprit.
Ce problème est omniprésent dans les écrits de Yiṣḥoq Louriya`, où il est enseigné qu’en raison de certaines catastrophes dans les cieux, les récipients des Saphirôth se seraient fracturés et leurs canaux se seraient reformés en des aspects personnalisés à l’intérieur de la Manifestation de Hashshém appelés Parṣouphim, enseignant que le but de chaque pratique religieuse serait de contribuer à leur unification. Pour les Dôrda´im, cet enseignement est proche du polythéisme.
Critique sur le Zohar et ses aspects idolatriques
Le Zôhar est également considéré comme une véritable supercherie et un livre rempli d’hérésies et d’idolâtries. Et contrairement à l’acceptation populaire actuelle, bon nombre d’illustres Rabbonim des générations précédentes ont soit rejeté ce livre, soit émis de sérieux doutes sur son authenticité, et ont démontré que l’écrasante majorité de son contenu ne pouvait provenir d’enseignements de Ribbi Shim´ôn ban Yôḥa`y, mais est le résultat d’une succession d’ajouts.
Une figure dont on parle fréquemment dans les ouvrages ésotériques sur la Qabboloh, en particulier dans le Zôhar, est ce que l’on appelle désormais la « figure inférieure » (en araméen : זעיר אנפין), ou le Demiurge, dont le terme et l’usage auraient été d’origine gnostique, bien que les kabbalistes l’aient considérée plus tard comme l’un des anges du ciel associés aux facultés émotives de l’âme et au concept de « pouvoir fini ».
La même figure est également connue dans les écrits latins sous le nom de Microprosopus, dérivée du grec mikros (petit) + prosopon (face), et aurait un père. Certains kabbalistes allèguent que nos prières et notre adoration vont à la « figure inférieure », et que le monde a été créé par elle. Pour Rov Yiḥya` Qa`phih, de telles déclarations équivalaient à de l’hérésie, car il n’y avait personne d’autre que Hashshém qui a créé l’univers et c’est Lui seul que nous devons prier.
Dans une lettre adressée au Rov `avrohom Yiṣḥoq Kook, le Grand-Rabbin de la Palestine Mandataire, le Rov Yiḥya` Qa`phiḥ affirme en effet que ces croyances sont en contradiction avec la Ṭôroh que Möshah Rabbénou ע״ה nous a léguée.
Il émet des critiques sévères contre le Zôhar pour son approbation d’enseignements hérétiques, tels que celui de la « figure inférieure », ainsi que contre les nouveaux kabbalistes qui prétendent que la « figure inférieure » est notre Dieu et que nous sommes son peuple, tel que cela est décrit dans le livre kabbalistique « Séphar Habbarith » (article 20, point 15) et dans l’autre livre kabbalistique « Yôshér Lavov » (page 4), et qui allèguent à tort que c’est elle qui nous a fait sortir du pays d’Égypte, et que sa femme (qui est Malkhouth) est celle qui a frappé les Égyptiens en Égypte et au Yam Souph, tandis que c’est זעיר אנפין qui s’est révélé à Israël au mont Sinaï et nous a donné sa Ṭôroh.
Toutes ces choses, selon le Rov Yiḥya` Qa`phiḥ, devraient être effacées de notre religion, puisque l’enseignement de la Ṭôroh est claire que seul Hashshém, et Hashshém seul, avait fait toutes ces choses pour Israël.
Caractères litigieux de certaines formes de la Qabboloh
Une autre question litigieuse entre Dôrda´im et les kabbalistes concerne le rejet par les Dôrda´im de la réincarnation. Ils soutiennent leur rejet avec des écrits du Rov Sa´adhyoh Go`ôn (892-942) qui a qualifié la réincarnation de croyance juive non authentique. Cette perspective est partagée non seulement par les Ṭalmidhé HoRambo’’m non Dôrda´im, mais aussi par de nombreux membres du judaïsme orthodoxe traditionnel.
Les Dôrda´im désapprouvent également l’invocation de toute force invisible autre que le Tout-Puissant. Ils sont contre la sollicitation d’anges ou de dirigeants juifs décédés. Ils désapprouvent de telles pratiques quel que soit l’endroit où ils se trouvent, et même si l’individu désire que l’ange ou le saint intercède auprès de Hashshém. Les Dôrda´im, en fait tous les Maqôra`im, considèrent que ces pratiques sont absolument antithétiques aux principes les plus essentiels de ce qu’ils croient être le judaïsme historique : servir le Créateur unique et incomparable sans joindre des partenaires ou des médiateurs avec Lui dans nos prières et notre culte. Ceci est basé sur leur compréhension des livres mentionnés ci-dessus, et en particulier sur les lois concernant le médiateur (« Sarsour ») ou un intercesseur (« Méliṣ ») mentionnées dans le Mishnéh Ṭôroh et le cinquième des treize principes de foi. La prière, dans le judaïsme, est une forme d’adoration : comme les anciens Sages d’Israël l’ont bien dit, « Quel est le service du cœur ? C’est la prière ».
En plus de la question d’invoquer des forces autres que le Tout-Puissant, les Dôrda´im et Maqôra`im en général désapprouvent la pratique courante de visiter les tombes, les sanctuaires ou les monuments des saints, même si un individu ne s’adresse pas à une force autre que le Tout-Puissant. Se fondant sur des sources talmudiques codifiées dans le Mishnéh Ṭôroh, ils croient qu’il s’agit d’une interdiction instituée par les Sages de la Grande Assemblée établie sous Môshah Rabbénou – le Sanhédhrin. Ils considèrent généralement que cette interdiction a été instituée comme un moyen d’éloigner le peuple d’Israël de la possibilité de transgresser ce que les Maqôra`im considèrent comme les interdictions bibliques d’établir un « monument » (interdit même sans aucun lien avec l’idolâtrie) et d’invoquer toute force autre que le Tout-Puissant. C’est, soulignent-ils, la même raison pour laquelle la tradition juive explique pourquoi le lieu de sépulture de Möshah Rabbénou est resté inconnu selon le récit biblique.
La Halokhoh de Ribbénou comme référence cadre
Concernant la pratique religieuse, les Dôrda´im s’opposent à l’abandon par l’orthodoxie juive d’un grand nombre de pratiques talmudiques qu’elle remplace par des coutumes nouvelles et des innovations, dont certaines sont clairement contraires à la loi talmudique. Cela concerne premièrement, mais pas uniquement, les coutumes dérivées de la Qabboloh.
Aux yeux des Dôrda´im et Ṭalmidhé HoRambo’’m, il n’existe aucune autorité ayant le pouvoir d’instituer des règles et pratiques nouvelles, que ce soit dans le sens de l’indulgence ou de la rigueur, depuis la dissolution du Sanhédhrin en l’an 425 de l’ère courante, ou au plus tard depuis que le Ṭalmoudh fût scellé, et le rôle des rabbins venus après cette période consiste uniquement à enseigner et codifier la loi telle qu’elle a été enseignée et codifiée par le dernier Sanhédhrin. Ils ne prétendent pas que cette position est idéale et souhaiteraient voir un Sanhédhrin restauré régler les problèmes de Halokhoh, dès lors qu’il est lui-même établi dans le strict respect de la Halokhoh.
Pour les Dôrda´im et Ṭalmidhé HoRambo’’m, le Mishnéh Ṭôroh de Ribbénou est le code halakhique le plus complet et fidèle au Ṭalmoudh ; de ce fait, c’est le seul ouvrage qu’il est utile d’étudier afin de mettre en pratique la loi talmudique. En outre, le texte actuel du Ṭalmoudh est majoritairement corrompu par de très nombreuses variations textuelles et des censures.
Or, les Ri`shônim, dont Ribbénou fait partie, possédaient les manuscrits les plus anciens et authentiques. Par conséquent, les Dôrda´im et Ṭalmidhé HoRambo’’m concluent que le Mishnéh Ṭôroh est le meilleur accès à ce qu’enseignait originellement le Ṭalmoudh.